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02/07/2014

A 4 mains (mais sans les dents)

Fin juin 1983, avait lieu ma première audition de piano au théâtre de Bastia. J'avais 10 ans et demi. On m'avait extrait les canines peu de temps auparavant et mon récent passage chez le coiffeur s'était avéré désastreux.

Je crois me souvenir que j'avais interprété un morceau de Leopold Anton Koseluch.
Mon vieux professeur de piano (décédé il y a peu) Michel Costa, posait un regard bienveillant sur ses élèves, tandis que, souriant de toutes les dents que j'avais encore, je posais pour la postérité.

Ce soir-là, j'allais apprendre que pas une audition de piano ne se terminerait sans que M. Costa n'interprétât la Danse Hongroise de Brahms à 4 mains avec Thierry G. et que Guilaine R. (qui jouait merveilleusement bien et avait toutes ses dents) serait toujours mieux habillée et coiffée que moi.

Ce soir, c'est au tour de Romane, ma fille, (à qui on a ôté les canines il y a peu), de se fabriquer de jolis souvenirs.

 

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11:57 Publié dans Nouvelle | Lien permanent | Commentaires (2)

22/06/2014

Dans la peau de Fernand Mouton

C'est un bruit strident qui tira Fernand Mouton de son sommeil. "C'est quoi ça ?!" se dit-il effaré. Mais aussitôt, il se souvint du réveil de Valérie, une antiquité dont elle ne voulait pas se débarrasser, prétextant qu'un radio-réveil classique ne pourrait jamais l'arracher au sommeil, qu'elle avait profond. 

 Fernand n'avait aucune intention de se lever, il n'avait rien prévu de particulier en ce jour, mis à part lézarder sur le canapé. Rien ne l'empêchait donc de se laisser aller de nouveau dans les bras de Morphée, à défaut de ceux de Valérie.
C'est la voix de celle-ci, lui disant au revoir et lui souhaitant une bonne journée, qui le réveilla de nouveau. Il soupira.

 Tout avait changé avec Valérie. Elle était si câline au début, si aimante. Prévenante, elle anticipait ses moindres désirs. Puis petit à petit, une distance s'était insinuée. Moins de tendresse, moins de mots doux. Depuis peu, ils faisaient même chambre à part. Un vieux couple, en somme.

 Pourtant, lui n'avait pas changé.

 Fernand, ce n'était pas le genre excité. C'était un calme, un placide. On avait tendance à prendre sa nonchalance pour de la mollesse, ce qui le vexait terriblement. Quel mal y avait-il à aimer se prélasser ?

 N'arrivant pas à se rendormir, Fernand décida d'aller faire un tour. Un petit tour. Il croisa quelques connaissances qu'il salua d'un mouvement léger, mais n'eut pas le cœur à s'attarder près d'eux.

 Les ruelles étaient ensoleillées, le ciel d'un bleu profond et serein, le village paisible. Tout, sous ces cieux cléments, invitait à la paresse. Il ne voyait pas pourquoi on l'en blâmait. Il décida de rentrer.

 Fernand réalisa qu'il avait faim. Blessé par l’indifférence de Valérie, qui était partie sans même passer un moment près de lui, il avait oublié de déjeuner. Lui avait-elle laissé quelque-chose ? Il se rendit à la cuisine et s'aperçut avec plaisir que c'était le cas.

 Elle n'était pas si mauvaise Valérie. En faisant quelques efforts, tout était encore possible entre eux. Ce soir, il tenterait de la rejoindre dans son lit. Avec un peu de chance, il pourrait peut-être dormir près d'elle.

 Rasséréné par cette perspective, il regagna le canapé.

 Apaisé, repus, le cœur léger, Fernand Mouton étira alors sa longue patte gracile vers le ciel, et, d'un geste à la fois souple et précis, commença à se lécher le pourtour de l'anus avec application.

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14/06/2014

La Fée verte

Alors qu'elle était blonde, outrageusement blonde, on l'appelait la Fée verte: elle aimait l'absinthe. Elle s'adonnait avec passion au rituel de ce breuvage mystérieux et amer, auquel elle initiait ses nombreux amants.

La Fée verte détestait la banalité et le conformisme, y compris dans sa façon de parler. Pour dire "champagne", elle disait "boisson des dieux", pour "Sade", "le divin marquis", pour "je t'aime", "non, non, mon cher amour, je ne vous aimais pas." 

Elle souhaitait être l'ultime représentante de sa lignée, ainsi, elle ne voulait pas d'enfants.

La Fée verte avait réussi dans la vie grâce à sa plastique irréprochable, fruit de longues heures dans les salles de sport et de coups de bistouri. Un politicien l'avait épousée en secondes noces, il en était fou, la devinant presque irréelle. Puisqu'elle se moquait des conventions, la fidélité dans le mariage lui était inconnue. De fait, le couple était de toutes les soirées libertines, fréquentant en particulier un club nommé l’Amadeus. La Fée verte y faisait sensation.

Un habitué du lieu, un riche Toscan nommé Giancarlo, s'éprit d'elle dès la première étreinte. Au cours de la soirée, il l'honora à de nombreuses reprises sous le regard admiratif du politicien. Ces trois-là prirent l'habitude de se retrouver à l'Amadeus où ils laissaient libre cours à leurs désirs inavouables.

Giancarlo était un colosse. A ses côtés, la Fée verte et le politicien paraissaient étonnamment fragiles.

Désirant plus d'intimité et faisant à ses amis la promesse de délices interdites, Giancarlo les invita un soir dans sa demeure située sur les hauteurs de la ville. Une fontaine d'absinthe trônait au cœur de son jardin, si profonde qu'on aurait pu s'y baigner. Le Toscan, était un homme insatiable. A la recherche de toujours plus d'excentricité, il ne reculait devant rien pour satisfaire ses exigences esthétiques.

Après s'être prêtés au rituel de la fée verte (la verte, pas la blonde), Giancarlo entreprit la Fée verte (la blonde, pas la verte), puis, ô surprise, le politicien qui en redemanda.

Son affaire terminée, Giancarlo sacrifiant à la mode du selfie, pria ses hôtes de le rejoindre pour immortaliser ce doux moment de complicité post-coïtale.

Tandis qu'il s'apprêtait à appuyer sur le déclencheur, Giancarlo replia ses longs bras musclés autour de ses invités et les prenant chacun par le cou, les étrangla sans trop d'efforts. Lorsqu'il ne sentit plus le moindre souffle de vie émaner de ses victimes, il relâcha son étreinte. Puis, il fit glisser le corps toujours gracile de la jeune beauté dans la fontaine d'absinthe.

Minuit sonnait au loin: Giancarlo, sa besogne accomplie, se mit en quête d'un siège, tout près de la fontaine.

Là, un sourire béat aux lèvres, ne pouvant réprimer un frisson d'extase, il contempla le reflet ondoyant de la Fée verte sous la lune, telle une algue phosphorescente.

 

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09:59 Publié dans Nouvelle | Lien permanent | Commentaires (2)

10/06/2014

Petite lettre de Mohamed (6 ans) à sa maîtresse de CP

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" Très chêr mêtresse, (merci) de maprendre plein de chose, je vais devoir vous quiter. C'est dommage, vous qui avez eu tant de soucis por moi !!! Bisous mêtresse !!!!!" Mohamed

Cette lettre vient de Mohamed, mon petit élève âgé de 6ans et des poussières. Mohamed est un enfant atteint d'un diabète sévère. Cette année, je lui ai donc donné beaucoup de jus de fruits en cas d'hypoglycémie et j'ai surtout dû trop souvent appeler sa maman pour qu'elle vienne lui administrer de l'insuline.

Mohamed est un merveilleux petit élève, courageux, autonome, volontaire. Il m'a appris bien plus que je ne l'ai fait. Aujourd'hui, je fais le plus beau métier du monde.

 

 

05/06/2014

Tatouage à tout âge !

Émoi ! Mon petit dernier âgé de 2 ans et demi nous a fait part de son désir de se faire tatouer un Tchoupi sur l'épaule et une Peppa Pig sur le mollet, sacrifiant ainsi à la mode des corps tatoués, imprimés, sérigraphiés.

L'été est presque là, les corps se dénudent et s'exposent. La graisse et les tatouages sont de sortie.

En fonction de ces derniers, on peut s'amuser à présumer de l'âge et de l'origine des personnes qui les exhibent fièrement. Par exemple un dauphin ne peut avoir été tatoué que dans les années 80 (période Grand Bleu)et son propriétaire est au moins quadragénaire.
Un 13 surmontant un "I love OM", appartient indubitablement à un supporter de l'Olympique marseillais. A ce propos, on remarque une recrudescence des "Ti tengu caru Frédéric Hantz" sur les mollets des supporters du SCB, tandis que ceux de l'ACA arborent un déjà obsolète "Ti tengu caru Memo OChoa". Quant au nighteur de l'extrême sud de la Corse, ce que l'on retrouve le plus fréquemment dans l'échancrure de son torse épilé ou de sa poitrine refaite est, au choix, le désormais classique "Ti tengu caru David Guetta" ou le très en vogue "Gloria à tè Bob Sinclar".

De l'originalité au ridicule, il n'y a bien souvent qu'un pas. Et aujourd'hui, le vrai original n'est-il pas celui qui n'a aucun tatouage ?

"L'amour passe, le tatouage reste" a dit Jean-François Coppé, regrettant d'avoir fait graver "Love Bygmalion" sur son avant-bras. Un corps jeune et ferme ne le reste pas longtemps, oserais-je ajouter. Donc en fonction de l'endroit du corps où il a été fait, un petit dauphin peut facilement évoluer en cachalot défraichi.

 Amis tatoués, ne soyez pas susceptibles. Il existe encore de vrais rebelles, de vrais rockeurs, de vrais marins, de vrais motards, de vrais maoris, de vrais repris de justice, pour qui le tatouage a un véritable sens et n'est pas qu'un apparat un peu vain et surfait. Même s'ils se font rares.

 Pour en revenir au désir de tatouage de mon petit dernier, son papa et moi avons dû refuser, il n'est pas encore assez musclé pour cela, mais s'il s'entraîne régulièrement et s'il prend bien ses anabolisants, d'ici l'année prochaine, nous en reparlerons.

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