Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

24/03/2017

Les chats de hasard*

PB194317.JPG

 

 

Il y a plusieurs années, quelqu'un m'a offert un livre d'Anny Duperey intitulé Les chats de hasard. J'ai adoré ce livre pudique et juste. Je me suis dit que cette femme-là avait tout compris aux chats, et aux personnes qui partagent leur vie.

Mon amour des chats remonte à mon enfance. Je suis fille unique, je me suis beaucoup ennuyée. Souvent, le temps me paraissait long. Je lisais beaucoup, histoire qu'il passe plus vite. Au village, l'été, en vacances, je retrouvais des cousins, des cousines, la vie me semblait plus joyeuse. L'hiver, c'était plus rude. Il n'y avait personne. Mon grand-père et mes oncles, des bergers, des éleveurs, égorgeaient les cochons sous la fenêtre de ma chambre, au petit matin. Leurs cris résonnent encore à mes oreilles.

Mais au village, il y avait toujours un chat. Il n'avait pas de nom, il n'était pas nourri, il était juste là pour chasser rats et souris. Il recevait souvent des coups de pieds.  J'ai vite compris, et il l'a compris aussi, que lui et moi, on avait beaucoup à s'apporter.

Je le gavais en cachette, je lui prodiguais force caresses. Ce chat n'était pas toujours le même, l'espérance d'une vie de chat était courte chez mon grand-père, mais je me souviens d'un chat gris tigré, que j'avais appelé Félin, avec qui j'ai passé quelques vacances, quelques doux moments.

Lorsque j'arrivais, il semblait revenir à la vie, lorsque je le quittais, il paraissait triste. J'étais une enfant.

Avec Félin, nous étions inséparables, nous passions tout notre temps ensemble. Lorsque je lisais, il dormait sur mes genoux. Quand les vacances étaient finies et que je devais repartir, c'était un déchirement. Je ne savais pas si j'allais le revoir.

Un jour, je ne l'ai pas revu. Je l'ai cherché longtemps, je l'ai cherché partout. Je l'ai appelé dans tout le village. J'étais désespérée. On ne comprenait pas pourquoi j'étais si malheureuse. "Ce n'était qu'un chat." C'était tellement plus qu'un chat, c'était un ami, un confident, un petit être qui paraissait si bien me comprendre et qui me faisait confiance. Je n'avais pas su le protéger. Je n'avais pas été là quand il avait eu besoin de moi.

Depuis, lorsque je perds un chat (pas de mort naturelle suite à un âge avancé), je vis le même déchirement.

Dans une vie d'humain, il y a des personnes qui comptent davantage que d'autres. Des hommes ou des femmes que l'on aime, des amis... Il en est de même des animaux. Il y a des êtres qui croisent votre vie et qui la marquent durablement.

Il y a 12 jours, dans la nuit du 12 au 13 mars, un des mes chats a disparu, il s'appelait Frisgettu, en corse, ça veut dire "ruban." Je l'avais adopté l'an passé, alors que c'était un chaton, avec sa sœur, dans une association. Je revendique le droit d'être triste, même si "ce n'est qu'un chat." C'était un chat espiègle, doux et affectueux. Il a disparu et je n'ai pas su le retrouver. Il me manque. On me dit qu'il reviendra, mais je l'ai cherché partout. Et puis je connais mon chat, s'il n'est plus là, c'est qu'il lui est arrivé malheur. Je l'ai su à la seconde où je me suis rendue compte de son absence.

 J'écris ce billet, pour ne pas oublier ce chat qui n'a vécu que 10 mois près de moi et de ma famille, mais qui nous a fait passer de bien beaux moments.

Je laisse à Anny Duperey le soin de conclure par cette belle et juste définition des amoureux des chats.

"Les gens qui aiment les chats évitent les rapports de force. Ils répugnent à donner des ordres et craignent ceux qui élèvent la voix, qui osent faire des scandales. Ils rêvent d'un monde tranquille et doux ou tous vivraient harmonieusement ensemble. Ils voudraient être ce qu'ils sont sans que personne ne leur reproche rien.
Les gens qui aiment les chats sont habiles à fuir les conflits et se défendent fort mal quand on les agresse. Ils préfèrent se taire, quitte à paraître lâches. Ils ont tendance au repli sur soi, à la dévotion. Ils sont fidèles à des rêves d'enfant qu'ils n'osent dire à personne.
Ils n'ont pas du tout peur du silence. Ils ne s'arrangent pas trop mal avec le temps qui passe, leur songe intérieur estompe les repères, arrondit les angles des années.
Les gens qui aiment les chats adorent cette indépendance qu'ils ont, car cela garantit leur propre liberté. Ils ne supportent pas les entraves ni pour eux-mêmes, ni pour les autres.
Ils ont cet orgueil de vouloir être choisis chaque jour par ceux qui les aiment et qui pourraient partir librement sans porte fermée, sans laisse, sans marchandage. Et rêvent bien sûr que l'amour aille de soi, sans effort, et qu'on ne les quitte jamais. Ils ne veulent pas obtenir les choses par force et voudraient que tout soit donné.
Les gens qui aiment les chats, avec infiniment de respect et de tendresse, auraient envie d'être aimés de la même manière - qu'on les trouve beaux et doux, toujours, qu'on les caresse souvent, qu'on les prenne tels qu'ils sont, avec leur paresse, leur égoïsme, et que leur seule présence soit un cadeau. Dans le doute de pouvoir obtenir pour eux-mêmes un tel amour, ils le donnent aux chats. Ainsi cela existe. Ca console.
Les gens qui aiment les chats, font une confiance parfois excessive à l'intuition. L'instinct prime la réflexion. Ils sont portés vers l'irrationnel, les sciences occultes. Ils mettent au-dessus de tout l'individu et ses dons personnels et son assez peu enclins à la politique. Les tendances générales,les grands courants, les mouvements d'opinion, les embrasements de foule les laissent aussi circonspects que leur animal devant un plat douteux. Et si leur conviction les pousse à s'engager, une part d'eux-mêmes reste toujours observatrices, prête au repli dans son territoire intime et idéaliste, toujours à la frange, comme leur compagnons, d'un pacte avec la société et d'un retour vers une vie sauvage dans l'imaginaire.
Les gens qui aiment les chats, sont souvent frileux. Ils ont grand besoin d'être consolés. De tout. Ils font semblant d'être adultes et gardent secrètement une envie de ne pas grandir.
Ils préservent jalousement leur enfance et s'y réfugient en secret derrière leurs paupière mi-closes, un chat sur les genoux.
Enfin j'ai cru remarquer que les gens qui aiment les chats étaient souvent ainsi....... J'AIME LES CHATS."