17/09/2015
Le monstre qui vivait sous mon lit.
Au hasard d'une image, d'une photo, des souvenirs resurgissent. Ce fut mon cas, récemment, en découvrant la photo d'une petite fille apeurée, serrant fort son ours en peluche contre elle. Sous son lit, un monstre était caché. Je me suis alors souvenue de celui qui vécut sous le mien, pendant plusieurs années.
Entre 1981 et 1988, j'ai habité avec mes parents dans un très beau, très grand et très vieil appartement.
La porte d'entrée s'ouvrait sur un long couloir, carrelé de marbre, dans lequel je pouvais faire du patin à roulettes et même du vélo. Ce couloir se terminait par une voûte et débouchait sur un petit salon, suivi d'un salon aux dimensions vertigineuses. C'était immense. J'étais minuscule. Et seule. Pas de frère, ni de sœur, pour égayer cet endroit effrayant.
Le corridor donnait aussi accès à plusieurs chambres, dont la mienne, trop grande, comme toutes les autres.
La pièce que j'occupais, avait trois entrées, le lit trônait au centre. Lorsque j'y étais couchée, je ne pouvais surveiller toutes les portes à la fois, en particulier celle qui était dans mon dos et qui s'ouvrait sur le couloir. Le danger était partout. Sous mon lit, d'abord.
N'entendais-je pas, chaque soir, lorsque je me retrouvais dans l'obscurité, des bruits étranges et effrayants ? N'apercevais-je pas des ombres menaçantes ? Il y avait ce placard, dont la porte fermait mal, et aussi cette lourde armoire dans le fond. Que cachaient-ils ?
Je n'ai jamais su si les monstres qui vivaient dans ma chambre me voulaient véritablement du mal, ils ne sont jamais vraiment manifestés. Mais je sentais leur présence, nuit après nuit. Si j'avais fini par m'abandonner au sommeil, nul doute qu'ils m'auraient dévorée, mais je luttais, et avant de sombrer, j'allais me réfugier dans la chambre de mes parents, où je m'endormais paisiblement.
Au bout d'un certain temps (un an, deux ans ?), ces derniers, lassés de mes intrusions nocturnes, eurent l'idée de m'installer dans une autre chambre (la place ne manquait pas) tout au fond de l'appartement, à l'opposé de la porte d'entrée.
Je m'y sentais bien. Il n'y avait qu'une seule porte et mon lit y faisait face.
Je ne sais plus si les monstres m'y avaient suivi, j'avais grandi.
Puis en 1988, j'ai déménagé. Mon père avait été muté dans une autre ville, celle de mes origines.
L'appartement fut vendu à un cardiologue qui désirait un cabinet moderne.
Tout fut remis à neuf. La voûte disparut, le relief des fresques murales, rasé, à la place du carrelage en marbre, du parquet fut posé.
Je quittai la ville de mon enfance.
Je me suis souvent demandée ce qu'étaient devenus les monstres de l'appartement gigantesque. M'avaient-ils suivi dans mon nouveau logis, sûrement trop exigu pour eux ? Je ne crois pas, ils étaient attachés, eux aussi, à l'endroit qu"ils hantaient depuis tant d'années.
Seulement, plus de lits, plus d'enfants, plus d'endroits pour se cacher, un cabinet médical, froid, des gens malades, une salle d'attente, une secrétaire affairée.
Peut-être ont-ils fini par déménager, eux aussi.
Je suis heureuse de les avoir connus, un temps. Ils m'ont tenu compagnie, ont nourri mon imaginaire.
Je ne pense pas qu'ils vivent sous le même toit que moi, aujourd'hui. Ici, les enfants n'ont pas peur, ne sont pas seuls. Ils sont trois et se donnent amour, force, et courage.
17:23 Publié dans Nouvelle, Onirisme, Souvenirs d'enfance | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
J'ai beaucoup aimé. Merci.
Écrit par : COLLIGNON | 18/09/2015
Je ne sais pas comment vous avez découvert ce blog (j'ai si peu de lecteurs) mais je vous remercie pour votre commentaire !
Écrit par : Ofedericabellatchitchi | 18/09/2015
Les commentaires sont fermés.