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18/07/2017

Métaphysique du héron

Voilà, les nouvelles publiées ici, et d'autres, ont été réunies sous la forme d'un recueil qui peut être commandé sur le site dont le lien va suivre:  https://www.amazon.fr/dp/B073ZGSM3F/ref=sr_1_1?ie=UTF8&am...

C'est une petite édition, dans le sens où le tirage n'est pas très important, mais c'est un projet qui me tenait à cœur et qui a vu le jour grâce à un éditeur que je remercie de nouveau ici, Jean-Pierre Santini.

La couverture est de Denis Ettori, la préface et la quatrième de couverture de Laurent Cachard. Merci à eux pour leur aide.

Avis aux amateurs ! :-)

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07/02/2017

Une année de Lettres sup


16602740_10211789493913326_3127224748668749357_n.jpgSeptembre 1990, bac littéraire en poche, j'entre en classe de Lettres sup, au lycée Giocante de Casabianca, (plus communément appelé "Le Fango"), à Bastia. Bastia, ville de mon enfance, quittée 2 ans auparavant pour Ajaccio. 

Je m'y sens comme un poisson dans l'eau ! Il y a 2 ans encore, j'étais là, dans ce lycée, en classe de 2nde, et j'y retrouve tous les amis qui m'ont tellement manqué. Certains font la même prépa que moi, d'autres, ont loupé leur bac, bref, aucun ne manque à l'appel ! Il faut préciser, qu'au delà de l'attrait des Lettres, ma motivation pour le choix de cette filière, était de revenir à Bastia, peu importe ce que j'y ferai.

Je réside chez ma tante, la sœur de mon père, son époux, et deux de leurs enfants, le troisième étant parti faire ses études à Marseille. C'est la chambre laissée libre par ce dernier que j'occupe. Ma tante est une femme très drôle, mon oncle, une bonne nature, et mes cousins, l'un plus âgé que moi de 3 ans, et l'autre plus jeune de 6 mois, sont adorables. Nous nous entendons très bien. J'ai grandi avec eux, et je les considère comme les frères que je n'ai pas eus. Je suis ravie de les retrouver. 

 Au niveau des cours,  il y a du boulot ! Je m'y attendais un peu, et consens, en bonne feignasse, à faire le minimum syndical pour me maintenir à flot. Un vendredi du mois de décembre, une camarade de classe me demande: "Tu l'as terminée la dissert de philo ?" "Quelle dissert de philo ???" "Celle donnée par le prof en septembre et qui est à rendre lundi !!!!" 

Damned. 25 pages sur "La sagesse est-elle de ce monde ?" à faire en un week-end, la tâche s'annonce ardue. J'épargne les détails de ces deux jours et deux nuits de travail forcené, mais que l'on sache que j'ai obtenu la note de 9 sur 20. Et ce durant trois trimestres. 

J'ai choisi l'option "lettres", il me faut donc parler ici de Mademoiselle Catherine Daniélidès, professeur(e) de français-latin-grec. Jolie femme, âgée d'une quarantaine d'années, teint d'albâtre, cheveux de jais, yeux ourlés de khôl, elle porte, invariablement, d'élégantes robes drapées et immaculées, qui s'apparentent davantage à des toges. Grandiloquente, elle semble déclamer des vers même en disant "Allez donc cracher votre chewing-gum." Passionnée par tout ce qu'elle fait, elle nous transmet l'amour des œuvres que nous étudions, ainsi que quelques rudiments de grec ancien. (J'ai appris par la suite, qu'elle avait épousé un plombier.)

Mais à vrai dire, les cours, je m'en fiche un peu, je n'ai aucun désir de tenter le concours de Normal Sup (je suis lucide sur mon niveau et sur ma capacité de travail), et donc, de poursuivre en khâgne (d'autant plus que l'année ne s'effectue pas à Bastia); une équivalence pour continuer en 2ème année de Lettres modernes me conviendra très bien. Je le dis sans détour, ce sont les garçons qui m'intéressent. J'ai 18 ans, davantage confiance en moi que 2 ans auparavant, et compris quelques trucs durant mon séjour à Ajaccio, capitale mondiale de la superficialité et de la mode, après Paris et Milan, sur l'art de se mettre en valeur. J'ai un certain succès auprès de la gent masculine, notamment dans ma classe (je le dis sans aucune prétention, après les années de "loose" du collège) et compte en profiter. 

L'année se passe très bien. Dans la journée, en dehors des cours, je me promène avec mes amis sur la place St Nicolas, et sur le boulevard Paoli, y croise ma tante qui profite de mon absence pour m'emprunter mes vestes et mon maquillage ("C'est pas ta tante avec ton blaser bleu, là ??") y boit des chocolats chauds et y mangent des crêpes.  Le soir, avec un de mes cousins, nous refaisons le monde jusqu'à pas d'heures, nous endormant sur le lit de l'un, ou de l'autre. Ma tantine vient alors nous réveiller pour que nous regagnions, titubant de fatigue, nos lits respectifs. De temps à autre, je me dis que je ferais bien de ranger ma chambre, où règne un désordre indescriptible, mais après une visite faite à celle de ma tante, je décide que la mienne peut bien attendre encore un peu. La nuit, je suis régulièrement réveillée par le bruit de livres, cassettes audio, et autres objets, qui tombent de mon lit lorsque je bouge. 

La belle vie, quoi.

Mon "petit" copain est dans ma classe. J'ai fait mon choix parmi deux "soupirants" plus assidus que les autres, et préféré celui, plus timide, plus intéressant surtout, qui mesure 1,93 m, soit 35 cm de plus que moi, à celui, très sûr de lui, issu de la bourgeoisie bastiaise, qui pensait que "c'était du tout cuit dans le bec". Parfois mon petit ami porte un bonnet surmonté d'un gros pompon. Ah, quel couple assorti nous avons dû former. Comme nous étudions Les liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos, nous entretenons d'importants échanges épistolaires. 

L'année scolaire se termine, les examens sont obtenus, et le jeune homme et moi nous séparons. Chacun rentre chez soi. L'abus de citations des Liaisons dangereuses dans une correspondance, ne donne jamais rien de bon dans une relation. Ce n'est pas ma faute. 

Dans cette classe, la plupart des personnes sont devenues des enseignants, on note tout de même un archéologue. Ouf !

Tout cela s'est passé il y a plus d'un quart de siècle, il me semble, évidemment, que c'était hier en revoyant les photos des coupures de presse qui m'ont décidée à écrire cette note. Histoire de ne pas oublier. Sur les clichés, de tout jeunes adultes en devenir, écoutent avec attention les questions, les interventions de leur professeur et de leurs camarades. A quoi songent-ils vraiment ? Je sais pour ma part, quelles étaient mes pensées, au moment où le photographe décida de faire un gros plan sur moi (sans doute a-t-il aimé ma chemise):

" Oh punaise, pourvu que je ne sois pas trop mal coiffée !" 

 

17/09/2015

Le monstre qui vivait sous mon lit.

Au hasard d'une image, d'une photo, des souvenirs resurgissent. Ce fut mon cas, récemment, en découvrant la photo d'une petite fille apeurée, serrant fort son ours en peluche contre elle. Sous son lit, un monstre était caché. Je me suis alors souvenue de celui qui vécut sous le mien, pendant plusieurs années.

 Entre 1981 et 1988, j'ai habité avec mes parents dans un très beau, très grand et très vieil appartement.

La porte d'entrée s'ouvrait sur un long couloir, carrelé de marbre, dans lequel je pouvais faire du patin à roulettes et même du vélo. Ce couloir se terminait par une voûte et débouchait sur un petit salon, suivi d'un salon aux dimensions vertigineuses. C'était immense. J'étais minuscule. Et seule. Pas de frère, ni de sœur, pour égayer cet endroit effrayant.

Le corridor donnait aussi accès à plusieurs chambres, dont la mienne, trop grande, comme toutes les autres.

La pièce que j'occupais, avait trois entrées, le lit trônait au centre. Lorsque j'y étais couchée, je ne pouvais surveiller toutes les portes à la fois, en particulier celle qui était dans mon dos et qui s'ouvrait sur le couloir. Le danger était partout. Sous mon lit, d'abord.

N'entendais-je pas, chaque soir, lorsque je me retrouvais dans l'obscurité, des bruits étranges et effrayants ? N'apercevais-je pas des ombres menaçantes ? Il y avait ce placard, dont la porte fermait mal, et aussi cette lourde armoire dans le fond. Que cachaient-ils ?

Je n'ai jamais su si les monstres qui vivaient dans ma chambre me voulaient véritablement du mal, ils ne sont jamais vraiment manifestés. Mais je sentais leur présence, nuit après nuit. Si j'avais fini par m'abandonner au sommeil, nul doute qu'ils m'auraient dévorée, mais je luttais, et avant de sombrer, j'allais me réfugier dans la chambre de mes parents, où je m'endormais paisiblement.

Au bout d'un certain temps (un an, deux ans ?), ces derniers, lassés de mes intrusions nocturnes, eurent l'idée de m'installer dans une autre chambre (la place ne manquait pas) tout au fond de l'appartement, à l'opposé de la porte d'entrée.

Je m'y sentais bien. Il n'y avait qu'une seule porte et mon lit y faisait face.

Je ne sais plus si les monstres m'y avaient suivi, j'avais grandi.

Puis en 1988, j'ai déménagé. Mon père avait été muté dans une autre ville, celle de mes origines.

L'appartement fut vendu à un cardiologue qui désirait un cabinet moderne.

Tout fut remis à neuf. La voûte disparut, le relief des fresques murales, rasé, à la place du carrelage en marbre, du parquet fut posé.

Je quittai la ville de mon enfance.

Je me suis souvent demandée ce qu'étaient devenus les monstres de l'appartement gigantesque. M'avaient-ils suivi dans mon nouveau logis, sûrement trop exigu pour eux ? Je ne crois pas, ils étaient attachés, eux aussi, à l'endroit qu"ils hantaient depuis tant d'années.

Seulement, plus de lits, plus d'enfants, plus d'endroits pour se cacher, un cabinet médical, froid, des gens malades, une salle d'attente, une secrétaire affairée.

Peut-être ont-ils fini par déménager, eux aussi.

Je suis heureuse de les avoir connus, un temps. Ils m'ont tenu compagnie, ont nourri mon imaginaire.

Je ne pense pas qu'ils vivent sous le même toit que moi, aujourd'hui. Ici, les enfants n'ont pas peur, ne sont pas seuls. Ils sont trois et se donnent amour, force, et courage.

 

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12/09/2015

"Confidanse"

J'aurais voulu être danseuse classique. Au lieu de cela, je fus gymnaste.

Lorsque j'eus 6 ans, ma mère m'inscrivit dans un cours de danse classique, où d'autres camarades de mon âge évoluaient déjà. Mais à cet âge, petite et menue, je paraissais plus jeune, le professeur de danse, une femme totalement dépourvue de psychologie, décida donc de me mettre dans le groupe des fillettes de 4 ans. Alors que mes amies apprenaient les pas chassés, je faisais la ronde. Au bout de quelques mois, dépitée, je quittai le cours. 

Le mois de juin venu, j'assistai avec envie au premier ballet de mes camarades, bavant sur leur tutu froufroutant.

A la rentrée suivante, je priai ma mère de m'inscrire de nouveau dans un cours de danse classique. J'avais un peu grandi et étais pleine d'espoir. Nous choisîmes la même école, la plus proche de mon domicile, espérant que le professeur ne m'infligerait pas deux fois de suite la même vexation. Nous nous trompâmes lourdement. L'imbécile m'expédia, dès le premier jour, dans le groupe des toutes petites. Ce fut la fin de ma carrière de danseuse.

Peu de temps après, je devenais gymnaste au club Espoir Bastia et enfilais un justaucorps hideux, que je n'allais pas quitter pendant de nombreuses années.

Je me débrouillais bien aux agrès. Petite et souple, j'eus toujours de bons résultats en compétition, la discipline ne me déplaisait pas. Mais chaque mois de juin, lorsque mes amies enchainaient les répétitions pour leur gala de fin d'année et faisaient les essayages de leur beau costume, je pleurais de rage et de frustration de ne pas être à leur place. 

J'étais une petite fille légère, gracieuse, j'aurais aimé qu'on me laisse ma chance.

Depuis, je nourris pour la danse, classique en particulier, une passion qui ne m'a jamais quittée, et j'ai pleuré quand ma fille a chaussé ses pointes pour la première fois.

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