17/05/2014
Gentleman driver
"-Alors, tu es prête ?! Tu es prête ou tu n'es pas prête ?????
-J'suis pas prête !!!! J'suis pas prête, j'sais pas quoi mettre !!!!!!"
Dans la chambre des trois filles, des habits partout. Sur les lits, les chaises, la commode. Pêle-mêle, les vêtements des deux cousines et de leur amie. C'était le soir du bal. Impossible de manquer ça. Impossible d'envisager d'y aller dans une tenue approximative, le moindre détail devait être étudié.
-Et mes boucles d'oreilles, tu les as vues mes boucles d'oreilles ?
Effervescence. Les filles s'énervaient, se disputaient, il était presque l'heure d'y aller.
L'aînée des trois adolescentes, âgée de 17 ans était brune, petite, les deux plus jeunes, qui avaient presque 15 ans, étaient plus grandes, l'une brune, l'autre blonde. Depuis leur plus tendre enfance, elles passaient les grandes vacances ensemble dans ce petit village de Corse où l'été était une saison si joyeuse et si festive.
Les journées commençaient souvent bien après midi pour se terminer tard dans la nuit. Au programme, baignade, lecture, préparatifs pour le bal. A 18h, au plus tard, il fallait être rentré de la rivière pour pouvoir se préparer car cela demandait du temps. Beaucoup de temps.
Les deux brunettes avaient encore de l'acné, cela les préoccupait au plus haut point, il fallait donc camoufler tout cela. Puis venait le moment des essayages devant le miroir où chacune donnait son avis aux autres. L'aînée était dans sa période mini-jupe. Les deux autres échangeaient parfois leurs habits.
Une quatrième amie se joignait parfois à elles. Là, elles étaient au complet.
En ce temps-là, les bals étaient nombreux. Plusieurs fois par semaine, un village du canton en organisait un. Nombre de jeunes, faute de véhicule, ne pouvaient s'y rendre. Nos adolescentes n'en manquaient aucun grâce à un homme providentiel.
Vieux garçon d'une cinquantaine d'année, Dominique vivait avec sa sœur, ne buvait pas, avait une voiture et adorait danser. Réminiscence de sa jeunesse insouciante, il honorait tous les bals de sa présence.
Faisant grand cas de sa sobriété et de sa probité légendaires, ainsi que de sa réputation de parfait gentleman, les parents lui accordaient toute leur confiance, il avait donc l’autorisation d'emmener ses jeunes amies danser.
Sur le coup de 22h, sa voiture, une Renault 19 Chamade dernier cri, s'arrêtait devant la maison pleine de rires juvéniles, et il klaxonnait deux fois.
"Il est là ! Il est là !!!" entendait-il hurler.
Lorsqu'elles n'étaient que trois, l'aînée des filles s'asseyait toujours devant, près du conducteur. Non pas qu'elle en ait eu envie mais c'était la seule à comprendre le corse et à le parler un peu. Dominique ne s'adressait à elles que dans sa langue maternelle. Sans que l'on sut pourquoi, il avait surnommé la plus blonde "Mémé", elle en était souverainement agacée.
Dominique parlait beaucoup et roulait lentement. Pour un trajet de trente minutes, il mettait une heure. Il racontait les bals de sa jeunesse, l'insouciance, le village plein de monde où il faisait bon vivre, hiver comme été, la valeur de la parole donnée. Lorsqu'il croisait une autre voiture, il s'arrêtait et donnait moult détails sur son propriétaire, allant jusqu'à évoquer son arbre généalogique. Les filles, au comble de l'impatience, poussaient de profonds soupirs.
Arrivées dans le village où se donnait le bal, elles priaient Dominique de les laisser loin du lieu où il devait se dérouler, afin de faire une entrée discrète. Dominique, fier de son véhicule et de ses occupantes, mettait un point d'honneur à les déposer juste devant.
Là, ils se séparaient, Dominique entrant en piste quand ses jeunes amies la quittaient. Sempiternellement vêtu d'un pantalon noir et d'une chemise blanche, encore fringant, il entrainait ses cavalières dans des tangos et pasodobles étourdissants.
Vers 2h du matin, lorsque ses forces le quittaient, il priait les filles de s'en aller. Ces dernières, à force de supplications, parvenaient à le convaincre d'aller les attendre en voiture. Fort mal installé, il s'endormait dans la Renault Chamade. Vers 5h, elles le réveillaient pour rentrer.
Tandis que le soleil se levait sur la vallée, Dominique, fourbu, apercevant l'affiche du prochain bal, les quittait en leur disant:
"A sta sera, o figliule ?" ("A ce soir, les filles ?")
10:06 Publié dans Nouvelle | Lien permanent | Commentaires (0)
04/05/2014
Julia, Pierre, et le flétan
Julia était étudiante en licence de lettres à l'université d'Aix en Provence. Depuis 2 ans, elle sortait avec un type improbable nommé Franck. Rencontré dans la petite ville corse d'où elle était originaire, Julia était sortie avec Franck un peu par désœuvrement. Dans une boîte de la région, elle avait rendez-vous avec un bellâtre qui n'était jamais venu, Franck était là, lui faisait une cour assidue depuis des mois, elle cessa de lui résister.
Au début, elle avait bien essayé de le quitter, mais Franck excellait dans l'art des fausses tentatives de suicide. Quand Julia lui faisait part de son intention de rompre, il tournait de l’œil, était pris de convulsions et, en transes, lui annonçait qu'il allait mettre fin à ses jours. "JE VAIS ME TUER, TU M'ENTENDS ?! JE VAIS ME TUER !!!! " hurlait-il en brandissant un couteau à lame émoussée ou un tube de Doliprane. La jeune Julia, très impressionnée, renonça à se séparer de lui.
Franck avait arrêté l'école en 4ème, ce qui n'est pas un problème en soi, mais dans le cas de Franck, c’en était un, puisque rien ne l'intéressait. Il lui était donc impossible de se mettre en quête d'un apprentissage qui lui aurait permis d'envisager un potentiel avenir professionnel. La seule source d'intérêt de Franck se trouvait dans les vidéos de Marc Dorcel qu'il consommait frénétiquement. Dans ce domaine, Franck était une référence. Une bible vivante. Il pouvait donner les mensurations de la plus obscure actrice et aucun titre ne lui était inconnu.
Franck était laid. Affublé d'un long nez surmontant une bouche de flétan, il en avait également le charisme. Fan d'heavy metal, Franck portait les cheveux longs. Il avait, pour couronner le tout, un goût prononcé pour les habits excentriques, mariant sans vergogne des bottes en python blanc à des pantalons à fleurs.
Franck adorait le poisson, Julia était allergique à l'iode.
Franck était paresseux. Julia l'était aussi, mais pas suffisamment pour négliger complètement ses études. Son orgueil n'aurait pas toléré un redoublement.
Bien que Julia ne fut pas une beauté fatale, ni étudiante à Polytechnique, on avait rarement vu couple plus mal assorti.
Julia et Franck vivaient dans un petit studio proche du centre ville d'Aix en Provence. Lorsque Julia partait à la fac, Franck restait au lit. Bon cuisinier, il préparait des petits plats à sa dulcinée. Il en était fou. Lorsque Julia repartait l'après-midi, Franck se mettait au lit pour regarder ses vidéos à haute teneur éducative, résurgence de sa cinéphilie sélective.
Avant que Franck ne rejoigne Julia à Aix, il lui écrivait des lettres d'amour enflammées truffées de fautes d'orthographe. Monomaniaque, Julia était obligée d'utiliser un correcteur avant de pouvoir lire la prose dégoulinante de mièvrerie et de lieux communs de son petit ami. Elle avait néanmoins pour Franck une certaine tendresse. Il était tellement gentil, tellement attentionné !
Qu'est-ce que Julia faisait avec Franck ? Elle attendait de tomber amoureuse.
Ce ne fut pas long. Dans la classe de Julia, il y avait Pierre. Pierre avait un filet de voix, mais lorsqu'en cours, il prenait la parole, nul n'aurait osé l'interrompre.
Pierre était instruit, Pierre avait lu, Pierre lisait, Pierre savait écrire, Pierre trouvait Julia jolie. Piquante. Étudiant brillant, il manifestait pour la petite corse un intérêt qui ne la laissait pas indifférente.
Pierre et Julia devinrent amis. A la fac, il était impossible de les croiser séparément. Pierre et Julia tombèrent amoureux. Éperdument. Mais Julia avait des principes. A la maison, il y avait Franck. Franck, ce pauvre Franck qui ne méritait pas ça.
Alors Julia lutta, lutta tout au long de l'année pour ne pas se laisser aller à Pierre. Pourtant, elle ne pensait qu'à lui. Lorsque Franck lui parlait, elle le trouvait encore plus stupide, plus laid qu'à l'accoutumée, et n'éprouvait plus pour lui que de la pitié.
Un jour où Franck était venu chercher Julia à la fac, celle-ci lui montra Pierre en lui expliquant qu'elle était courtisée par ce dernier. Ce à quoi, Franck, très sûr de lui, répondit: "Oh, avec la tête qu'il a, çui-là, j'ai rien à craindre !" Julia sourit.
La fin de l'année scolaire approchait. Le temps du retour en Corse aussi. A l'issue d'un partiel où Pierre avait aidé Julia, elle l'avait embrassé furieusement.
Pendant les 15 jours qui suivirent, ils ne se quittèrent plus.
Prétextant d'autres examens, Julia abandonnait Franck pour rejoindre Pierre. Pierre. Tout au long de la journée, ils s'embrassaient et se promettaient des choses insensées. Ils s'aimaient comme on s'aime à 20 ans. Comme on aime pour la première fois.
Pierre écrivait à Julia des lettres d'une beauté absolue. Elle les apprenait par cœur puis les déchirait en pleurant. Il ne fallait pas que Franck puisse les trouver.
Pierre et Julia se dirent adieu au coin d'une rue. Après s'être une nouvelle fois promis un amour éternel.
Julia ne revit jamais Pierre.
Quant à Franck, après une énième fausse tentative de suicide, Julia parvint à le quitter.
Il se coupa les cheveux et devint acteur de films X.
18:26 Publié dans Nouvelle | Lien permanent | Commentaires (0)
02/05/2014
Un grand-père
Pépé Paglieta (prononcez Paillet'a), surnommé ainsi parce qu'il ne quittait jamais son chapeau de paille, n’ôtait jamais non plus son costume clair bien qu''il résidât au village.
Pépé Paglieta s'était marié très jeune, contre sa volonté, et contre celle de sa promise, avec Annonciade, une femme laborieuse et taillée pour l'effort. Jamais ces deux là ne s'aimèrent et avec le temps, en vinrent à se détester.
Paul aimait faire la fête. Annonciade, le jardin. Ils se croisaient souvent au petit matin, elle, une bêche à la main, lui, une bouteille sous le bras, vestige de sa nuit loin d'elle.
Il lui fit 5 enfants, il fallait bien assurer la descendance, et s'y intéressa peu. Il n'était pas fait pour la vie rude du village, travailler la terre lui faisait horreur. Sa pension de guerre lui permit de ne jamais suer au dessus des sillons. Une tuberculose providentielle eut l'heur de se déclarer la veille de sa montée au front. Il y aurait laissé la vie, il y perdit un poumon.
Alors que rien ne le présageait, il manifesta beaucoup d'intérêt envers ses petits enfants, principalement quand ceux-ci devinrent adolescents. Ce qu'il aimait par dessus tout, c'était leur prodiguer des conseils de séduction. Il leur expliquait comment plaire aux femmes, leur conseillait d'ôter jeans et t-shirts au profit d'un beau costume qu'un vieux tailleur d'Ajaccio pourrait leur confectionner.
Il les mettait en garde contre l’homosexualité, un fléau qui, selon lui, touchait la jeune génération. De son temps à lui, ces choses-là ne se faisaient pas. Il en parlait souvent et n'hésitait pas à se montrer cru afin de choquer les jeunes esprits des adolescents qui l'écoutaient amusés. Lui qui aimait tellement les femmes, ne pouvait comprendre qu'un homme puisse être attiré par un autre.
L'été avec ses amis, il écumait les bals de village ! Excellent danseur, il avait un succès fou. Les femmes faisaient la queue pour avoir l'honneur d'une danse avec Paul.
Il les entrainait dans des valses qui les laissaient étourdies. Au petit matin, il rentrait, ivre d'alcool et de bonheur. Il croisait alors Annonciade, la mine maussade qui s'en allait biner les tomates.
Après la belle saison, l'ennui le gagnait. Fort heureusement, il s’était pris de passion pour les cures thermales. Il s'y rendait chaque année, grâce au poumon qui lui restait et qui n'était guère vaillant. Ces cures annuelles, lui donnaient l'occasion de quitter son village, où l'hiver, il ne se passait rien, et de faire de savoureuses rencontres.
A Saint-Honoré-les-Bains, il devint rapidement l'ami du maire d'un petit village du sud de la France, venu prendre les eaux avec sa femme, et n'eut pas grand effort à faire pour devenir l'amant de cette dernière, la délicieuse Berthe. Comment aurait-elle pu résister aux roucoulades de Pépé Paglieta, susurrant des "Berrrrrthe" enflammés dans le creux de son oreille ?
Quand le couple achevait sa cure, Pépé Paglieta la poursuivait car Marthe le rejoignait alors. Cette veuve bretonne, blonde dans sa jeunesse, grande et fessue à souhait, le comblait au delà de toute espérance. Comme elle était loin, la brune et besogneuse Annonciade ! Comme il serait toujours temps de la retrouver !
Au retour pépé Paglieta était épuisé et se montrait fort peu enjoué. Les joies de Saint-Honoré-les-Bains n'étaient plus qu'un souvenir qui le faisait sourire dans l'obscurité de sa chambre, et puis il vieillissait. Alors qu'Annonciade continuait de cultiver son jardin, sarclant ses pieds de tomates avec ardeur, Pépé Paglieta rongeait son frein dans un lit d'où il sortait de moins en moins.
L'année suivante, très affaibli, il ne put aller en cure. Sa maladie pulmonaire avait gagné du terrain. Il prit soin de prévenir ses chères Berthe et Marthe de son absence. " Berrrrrthe (Marrrrrthe) je ne pourrrrai pas venirrrrr cette année " leur annonça-t-il avec tristesse.
L'agonie de pépé Paglieta ne fut pas longue. Annonciade, toujours consciente de son devoir, le soigna jusqu'à la fin.
Le jour de son enterrement, la maison était pleine de monde. Les gens venaient se recueillir une dernière fois devant la dépouille de pépé Paglieta (toujours vêtu d'un costume mais noir cette fois-ci) et présenter leurs condoléances à la famille.
Comme les personnes parlaient du défunt autour d'un café, Annonciade, en grand deuil, s'approcha de la fenêtre où quelque-chose avait attiré son attention et s'exclama:
" Mi, chi ci hè un ghjattu rossu in i pumati ! (Oh, il y a un chat roux dans les tomates !)
19:26 Publié dans La Corse, Nouvelle | Lien permanent | Commentaires (1)
12/04/2014
Le grenier de l'oncle François
Du temps où Stéphanie était petite fille, pendant les grandes vacances, elle découvrit dans le grenier d'un vieil oncle, les gros albums reliés du journal de Spirou. Un album regroupait tous les numéros parus dans l'année.
Elle arrivait tôt le matin dans la maison où vivaient son oncle, qui était veuf, la mère et la fille de ce dernier, qui était déjà une jeune femme, et montait aussitôt l'escalier très raide menant à ce grenier confortable, spécialement aménagé pour le plaisir de la lecture. Là, elle s'installait dans une des deux chambres mansardées et choisissait l'album qu'elle lirait ce jour-là, puis se plongeait avec délices dans les aventures de Bidouille et Violette, Isabelle, Gaston, Pierre Tombal, Germain et nous ...
A midi, la vieille grand-tante Marguerite appelait l'enfant pour déjeuner. Excellente cuisinière, elle avait mitonné pour sa difficile petite nièce de délicieux plats, que Stéphanie dévorait avec plaisir. Le repas terminé, elle montait continuer sa lecture interrompue à contre-cœur. Les heures, les jours, s’égrainaient délicieusement en compagnie de ses personnages préférés.
Le soir venu, il fallait encore l'appeler pour lui dire qu'il était l'heure de rentrer. Elle avait hâte d'être au lendemain.
Dans ce lieu merveilleux, Stéphanie découvrit une multitude d'auteurs de talent et, au fil des années, vécut à travers leurs livres, des aventures passionnantes. Son amour de la lecture naquit dans ce grenier.
S'étant rendu compte de cela, son oncle François lui offrait à chaque Noël une énorme boîte remplie d'albums de bande dessinée et de livres pour la jeunesse de toutes sortes. Il connaissait ses goûts, jamais Stéphanie ne fut déçue. Elle dévorait chacun de ces livres. Aux vacances de février, tout était lu.
L'enfant unique qu'elle était fut sauvée de l'ennui par la lecture. Les livres de ce vieux grenier y contribuèrent largement. Et l'oncle François par dessus tout.
Que le vieux monsieur solitaire qu'il est devenu en soit infiniment remercié.
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05/02/2014
Looking for Richard L.
Il y a quelques années, Stéphanie et son ami d'enfance Joseph, avaient décidé de réunir leurs camarades de l'école primaire afin d'organiser un dîner de retrouvailles. Le site internet "Copains d'avant" était alors en vogue. Ils savaient plus ou moins ce que tous étaient devenus, puisque la plupart vivaient encore en Corse. Tous sauf un: Richard L. A l'école primaire, toutes les filles en étaient folles, et tous les garçons, jaloux. Grand pour son âge, athlétique, sportif, bon élève, châtain aux yeux verts, sourire enjôleur, Richard L. était envié de tous. Stéphanie en était amoureuse, Joseph, jaloux. Ils étaient tous deux, bien meilleurs élèves que Richard, et se disputaient continuellement la première place. Stéphanie était meilleure en français, Joseph, en mathématiques. Au CM2, Stéphanie fut même, pendant quelques mois, la fiancée attitrée du beau Richard. Lors d'une journée pluvieuse, une amie demanda au jeune garçon: "Tu l'aimes Stéphanie ?" Ce à quoi Richard répondit par un hochement de tête affirmatif, tout en adressant à la fillette un de ses plus charmants sourires. Ce fut le deuxième plus beau jour des dix premières années de la vie de Stéphanie. (Le premier étant celui où le père Noël lui avait apporté le vélo bleu qu'elle espérait tant.)
Le temps passa. Les enfants entrèrent en classe de 6ème. Adieu douce quiétude de l'école primaire ! Richard L. quitta Stéphanie dès le 1er mois pour une blonde à forte poitrine de 5ème qui avait déjà tout compris aux garçons. Et elle cessa d'être la 1ère de la classe (la faute aux maths). Elle soupira durant quatre ans, mais sa poitrine demeura désespérément plate. Puis à 16 ans, elle quitta la ville de son enfance, pour celle où son père avait été muté pour son travail. Elle perdit Richard de vue.
A l'heure d'internet, Stéphanie et Joseph, bien décidés à retrouver Richard, entreprirent des recherches assidues. Etait-il devenu comme leur suggérait un moteur de recherche, cordelier à Morteville ? Podologue à Moriani ? Handballeur professionnel ? Les Richard L. étaient nombreux, et plus personne autour d'eux, n'avait entendu parler de lui.
L'été des retrouvailles arriva. Joseph et Stéphanie avaient renoncé, à le chercher quand une de leur connaissance leur indiqua que le père de Richard buvait tous les matins son café dans un établissement de la ville de leur enfance. A l'heure indiquée, emplis d'espoir, Ils allèrent à sa rencontre. Ils n'eurent aucun mal à le reconnaître. Un séduisant sexagénaire, un Richard plus vieux, en somme, lisait son journal en sirotant son petit noir. Il les accueillit de façon amicale. " Richard ? Oui, oui, il va très bien ! Il y a 20 ans que vous ne l'avez pas vu ?! Ah, il est chauve comme moi maintenant. " "Il y a une justice." grommela Joseph. "Il travaille à Londres depuis quelques années, il est directeur adjoint d’Orange Business, et vient de négocier son départ pour 300 000 £ afin d'intégrer une grande entreprise aux États Unis. Et vous ? Que faites-vous les enfants ?" "Instit" répondit Stéphanie d'une minuscule voix. "Prof de maths" murmura Joseph, ne quittant pas des yeux le bout de ses chaussures. "Ah ? C'est bien. C'est très bien." Un ange passa. "Pour en revenir à Richard, poursuivit son père non sans fierté, si vous voulez le voir, il arrive justement de Londres ce soir et assistera demain après-midi au vernissage de l'exposition de mon épouse au couvent de Sisco." Après l'avoir remercié tout en promettant d'être là, ils prirent congé.
Le lendemain après-midi, Joseph et Stéphanie passèrent une excellente après-midi à la plage.
13:47 Publié dans Nouvelle | Lien permanent | Commentaires (0)