29/03/2014
Bidouille & Violette, chronique mélancomique d'un premier amour
Lui, c'est Bidouille, il est rond, il est roux, il est doux, il a de grands yeux rêveurs, aime la poésie, a perdu sa mère, et c'est le fils du marchand de frites. Elle, c'est Violette, elle est belle, longiligne, a de longs cheveux, déteste les questions et c'est la fille du fleuriste. Ils ont 16 ans, habitent Mayon, et s'aiment comme on s'aime à 16 ans. Aussi rien n'est simple pour eux.
Bidouille et Violette naissent sous la jeune plume de Bernard Hislaire (devenu depuis Yslaire, l'auteur de Sambre) en 1978 dans le journal de Spirou (à cette époque on dessine pour un journal, l'album vient un, voire deux ans plus tard pour les plus chanceux) et tout les sépare. Bidouille est le garçon le plus timide du lycée Machain et Violette, la plus belle fille de St Tutty. Chaque jour, on lui offre des fleurs, à elle, la fille du fleuriste. Alors, elle trouve que les garçons n'ont aucune imagination.
"Amoureux, Bidouille l'était sans aucun doute. Seulement voilà...Cela faisait 3 mois qu'il essayait de le dire à Violette et 16 ans qu'il était timide." Pour rompre la glace, il décida de lui offrir un cornet de frites et tout commença.
Bidouille et Violette n'ont pas grand chose à se dire. Ça tombe bien, Bidouille n'aime pas parler et Violette déteste les questions, alors ils passent de délicieux moments blottis l'un contre l'autre sur le banc du petit square dans lequel ils se retrouvent tous les samedis après-midis.
Puis viendra le temps de l’incompréhension, de la jalousie, des mauvaises notes, des parents qui se fâchent et qui font tout pour séparer les deux amoureux. Le temps des fugues, des réconciliations, des séparations...Bidouille et Violette, à l'instar de leurs illustres ainés Roméo et Juliette ou Tristan et Iseult, sont deux héros romantiques au vrai sens du terme. Il ne s'agit donc pas d'une bluette fleur bleue et l'auteur ne tombe jamais dans la mièvrerie. Et ça reste drôle même quand c'est tragique.
Hislaire, Bidouille et Violette grandissent au fil des pages des quatre albums de la série: Les premiers mots, Les jours sombres, La reine des glaces et La ville de tous les jours. Un peu trop pour le rédacteur en chef de Spirou. A l'époque, il n'est pas possible de montrer certaines choses dans une parution pour la jeunesse. Les aventures de nos deux héros prennent donc fin, non sans avoir traverser de sombres moments. Du réalisme quotidien, de la chronique amoureuse, on glisse dans l'onirisme mais aussi dans la psychanalyse qui traversera ensuite toute l’œuvre de Bernard Hislaire.
Les éditions Glénat ont, à l'automne dernier, sorti de nouveau l'intégrale de Bidouille et Violette, l'occasion enfin de se plonger avec délices dans cette magnifique histoire drôle et désespérée et dans laquelle la mélancolie cède souvent la place à la folie.
Concluons cette petite chronique, qui je l'espère, vous aura donné envie de découvrir ou redécouvrir les aventures de ces deux adolescents si touchants, par un très beau poème de notre ami Bidouille:
"C'est l'automne,
Pom Pom Pom,
La saison des grosses pommes."
11:49 Publié dans BD | Lien permanent | Commentaires (0)
26/03/2014
Le "normcore" ou la revanche du mal fagoté
On a tous dans notre entourage une personne qui se fiche de son apparence comme de sa première chemise (informe). Un jean (un bon vieux 501) un grand t-shirt et une paire de baskets confortables font partie de sa panoplie habituelle. Réjouissons-nous pour elle, son heure de gloire a sonné. Alors que pendant des années, plus on passait de temps à travailler son style, plus on était branché, aujourd'hui ç'en est fini du hipster super fashion. (Et ça tombe très bien parce que j'avais vraiment du mal avec la petite mèche, la petite moustache et le petit short de mon jeune voisin Geoffroy.) C'est l'avènement d'un nouveau code vestimentaire: le normcore (contraction de normal et hardcore).
En résumé, moins on passe de temps à peaufiner son style, plus on a de chance d'en avoir. Avant on ne savait pas s'habiller, maintenant on est normcore.
Comment devient-on normcore ? On ne devient pas normcore, on naît normcore. Car à partir du moment où il y a recherche, c'est l'échec assuré.
Le normcore privilégiera toujours le côté fonctionnel du vêtement. "Au moins avec ça, je serai à l'aise" pourrait-être sa devise. C'est le confort qui l'attire en premier lieu. Le normcore s'habillera toujours une taille ou deux au dessus de la sienne. Peu importe la coupe, peu importe la couleur, l'aspect pratique avant tout.
Et comment ces personnes qui adoraient se fondre dans la masse vont-elles vivre leur nouveau statut d’icônes de la mode ? Il faut juste qu'elles s'arment de patience. Comme tout passe, surtout la mode, d'ici peu, un nouveau courant s'imposera et elles pourront de nouveau trainer leurs (vieilles) nippes en toute liberté.
Mais que devient notre ami Geoffroy le hispter dans toute cette histoire ? Après avoir laissé pousser sa mèche, sa moustache et son short, cet avant-gardiste, toujours à la pointe des nouvelles tendances, finira par se débarrasser de tous ses oripeaux et adoptera la coupe de cheveux qui ne manquera pas de revenir en force, la coupe qui fit tant d'émules, la coupe Albano Carrisi ou Tony Vairelles (selon ses influences), j'ai nommé la légendaire coupe MULET.
J'ai hâte.
20:28 | Lien permanent | Commentaires (0)
23/03/2014
Idées Noires
André Franquin, ce n'est pas QUE Gaston Lagaffe. Pour celles et ceux qui ne connaîtraient pas encore Idées Noires, ce chef d’œuvre d'humour noir au dessin d'une beauté et d'une force évocatrice prodigieuses, jetez-vous dessus. Vous rirez (d'un rire parfois grinçant) mais pas seulement.
C'est en 1977, 20 ans après la naissance de Gaston, que les Idées Noires voient le jour dans le supplément du journal de Spirou, le Trombone Illustré. (A la disparition de ce dernier, Gotlib proposera à Franquin de continuer ses parutions dans Fluide Glacial.)
"Les Idées Noires ce sont des petites histoires un peu sadiques, un peu cruelles, tout en restant drôles " en disait leur auteur. Cet épisode constituera une rupture radicale avec tout ce qu'avait déjà fait Franquin. " Il était impossible d'aborder certains thèmes dans Spirou. Or j'avais évolué , j'en avais besoin. On glorifiait à l'époque, les actes guerriers, on nous expliquait comment monter des avions de combat, on publiait des publicités pour l'armée. Moi, je voulais qu'on y aborde des sujets comme l'écologie, le féminisme."
Dans Idées Noires, Franquin, en abandonnant la couleur, peut enfin laisser s'exprimer sa hargne et son côté sombre. Sombres idées que les siennes. En un trait de crayon noir, cinglant et fourmillant de détails très contrastés, Franquin dénoncera toute la bêtise et la méchanceté de l'humanité. Après les avoir effleurés dans Gaston ou Spirou, Franquin, plus que jamais épris de justice, traitera les thèmes qui lui tiennent à cœur et fustigera la peine de mort, le nucléaire, la société polluante, l'exploitation des animaux, les chasseurs, les militaires, la religion...tout cela avec férocité et drôlerie.
"Les Idées noires, c'est un peu Gaston trempé dans de la suie" disait-il.
Vous serez amusés par ce pauvre homme perdu dans la neige, croyant apercevoir au loin les lumières d'une ville et découvrant avec désespoir qu'il s'agit d'une meute de loups. Ou par ce petit couple sur son lopin de terre catapulté dans l'espace après une explosion nucléaire, et attendant que les secours s'organisent...
Mais au delà du rire, et au delà de la satire, dans Idées Noires, Franquin propose une vraie réflexion sur les sujets qui agitent la société, le révoltent ou l'interpellent et qui sont toujours d'actualité.
André Franquin n'aura jamais voulu qu'on le considère comme un génie. Trop modeste pour ça et surtout trop tourmenté, continuellement en proie au doute, il ne comprenait pas l'admiration qu'on lui portait. Et pourtant. Comment ne pas le remercier aussi pour ce cadeau-là ?
Il y aurait encore tellement à en dire, mais je préfère laisser à Gotlib, détournant une citation de Sacha Guitry, le soin de conclure:
« Lorsqu'après avoir lu une page d'Idées noires de Franquin, on ferme les yeux, l'obscurité qui suit est encore de Franquin ».
17:59 Publié dans BD | Tags : idées noires, franquin | Lien permanent | Commentaires (0)
20/03/2014
Equinoxe
C'est bien joli le printemps. On s'émerveille, la nature se réveille, le soleil réchauffe nos carcasses endolories, mais est-on bien conscient de tout ce que cela implique ? Si comme moi, vous avez repris un carré de chocolat aux noisettes (voir encore-un-mois-avant-la-saison-du-5303558.html ) l'angoisse doit être en train de vous étreindre. A l'issue de l'hiver, impossible de rentrer dans le joli petit jean tout léger qui nous allait si bien. Plus possible de faire un pas sans tomber sur un magazine proposant de nouveaux régimes permettant de perdre 5-kgs-en-une-semaine-en-mangeant-tout-ce-que-je-veux à part peut-être Philosophie magazine. "Fi des régimes ! L'essentiel est d'être bien dans sa peau." s'insurgera-t-on. Cet adage ne peut prendre tout son sens que si l'on habite loin d'une station balnéaire, dans le cas contraire, il est caduque. Le printemps, dans certaines régions, est avant tout synonyme de cruelles privations et d'inscriptions à la piscine. D'ailleurs, une pomme et je file.
18:02 Publié dans Trucs de filles | Lien permanent | Commentaires (3)
19/03/2014
Ajaccio, Ajaccio
Actuellement, fleurissent à Ajaccio des résidences qui se veulent de grand standing dans des lieux improbables. Un concours de noms pompeux a dû être lancé, il ne peut en être autrement. Ainsi, sur la rocade, se construit "L'Opéra", vers les Padule, "Le Rembrandt", derrière Mezzavia, "La Villa d'Alexandrie". On s'attendrait à la limite, à trouver pareilles désignations vers les Sanguinaires ou Porticcio (Portitch pour nos amis continentaux) mais pas dans ces quartiers populaires d'Ajaccio.
Comment ?! Discrimination ! Pourquoi ces lieux n'auraient pas le droit eux aussi à un nom prestigieux ? Je propose donc de rebaptiser Les Cannes, "Les Roseaux de Joséphine", Les Salines, "Le petit Guérande", les Padule deviendraient "Les Marécages Impériaux"... On pensait avoir usé jusqu'à la corde les noms liés à l'empereur, mais en grattant bien, on peut creuser encore. D'ailleurs je constate avec amertume qu'aucune rue ne porte encore le nom du cochon d'Inde de l'enfant prodigue de la gloire, qui s'appelait, si je ne m'abuse, Strapunta (littéralement "matelas") en hommage à son penchant atavique pour la sieste, ni de son chien, un magnifique Cursinu ébène (les plus rares) nommé Marius Trésor. (Un autre Marius Trésor, des années plus tard, donnera ses lettres de noblesse à l'équipe de football ajaccienne l'ACA. On peut d'ailleurs se demander si ses parents, les deux seuls bonapartistes guadeloupéens de l'Histoire, n'ont pas affublé leur enfant de ce nom en témoignage de leur admiration pour le meilleur ami de l'empereur.)
Amis lecteurs, si vous avez des suggestions pour les promoteurs immobiliers locaux, n'hésitez pas. Visiblement, ils sont à cours d'inspiration.
Quant à moi, je songe à baptiser mon domicile "Au rieur sanglier". Ah non, c'est déjà pris. Alors "la Closerie d'Euterpe". Ça en jette, non ?
12:02 Publié dans Humour, La Corse | Tags : ajaccio | Lien permanent | Commentaires (2)