23/03/2014
Idées Noires
André Franquin, ce n'est pas QUE Gaston Lagaffe. Pour celles et ceux qui ne connaîtraient pas encore Idées Noires, ce chef d’œuvre d'humour noir au dessin d'une beauté et d'une force évocatrice prodigieuses, jetez-vous dessus. Vous rirez (d'un rire parfois grinçant) mais pas seulement.
C'est en 1977, 20 ans après la naissance de Gaston, que les Idées Noires voient le jour dans le supplément du journal de Spirou, le Trombone Illustré. (A la disparition de ce dernier, Gotlib proposera à Franquin de continuer ses parutions dans Fluide Glacial.)
"Les Idées Noires ce sont des petites histoires un peu sadiques, un peu cruelles, tout en restant drôles " en disait leur auteur. Cet épisode constituera une rupture radicale avec tout ce qu'avait déjà fait Franquin. " Il était impossible d'aborder certains thèmes dans Spirou. Or j'avais évolué , j'en avais besoin. On glorifiait à l'époque, les actes guerriers, on nous expliquait comment monter des avions de combat, on publiait des publicités pour l'armée. Moi, je voulais qu'on y aborde des sujets comme l'écologie, le féminisme."
Dans Idées Noires, Franquin, en abandonnant la couleur, peut enfin laisser s'exprimer sa hargne et son côté sombre. Sombres idées que les siennes. En un trait de crayon noir, cinglant et fourmillant de détails très contrastés, Franquin dénoncera toute la bêtise et la méchanceté de l'humanité. Après les avoir effleurés dans Gaston ou Spirou, Franquin, plus que jamais épris de justice, traitera les thèmes qui lui tiennent à cœur et fustigera la peine de mort, le nucléaire, la société polluante, l'exploitation des animaux, les chasseurs, les militaires, la religion...tout cela avec férocité et drôlerie.
"Les Idées noires, c'est un peu Gaston trempé dans de la suie" disait-il.
Vous serez amusés par ce pauvre homme perdu dans la neige, croyant apercevoir au loin les lumières d'une ville et découvrant avec désespoir qu'il s'agit d'une meute de loups. Ou par ce petit couple sur son lopin de terre catapulté dans l'espace après une explosion nucléaire, et attendant que les secours s'organisent...
Mais au delà du rire, et au delà de la satire, dans Idées Noires, Franquin propose une vraie réflexion sur les sujets qui agitent la société, le révoltent ou l'interpellent et qui sont toujours d'actualité.
André Franquin n'aura jamais voulu qu'on le considère comme un génie. Trop modeste pour ça et surtout trop tourmenté, continuellement en proie au doute, il ne comprenait pas l'admiration qu'on lui portait. Et pourtant. Comment ne pas le remercier aussi pour ce cadeau-là ?
Il y aurait encore tellement à en dire, mais je préfère laisser à Gotlib, détournant une citation de Sacha Guitry, le soin de conclure:
« Lorsqu'après avoir lu une page d'Idées noires de Franquin, on ferme les yeux, l'obscurité qui suit est encore de Franquin ».
17:59 Publié dans BD | Tags : idées noires, franquin | Lien permanent | Commentaires (0)