Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

24/10/2014

Pointure 38

Un couple. Un mari et sa femme préparent le dîner, tout en discutant. La femme vient de recevoir un coup de fil d'une amie effondrée par la découverte de la double vie de son époux. Une facture pour une paire de chaussures de la marque Louboutin, est à l'origine du drame.

La femme - (outrée) Tu imagines, ce salaud de Richard !!!! Il a un culot infernal ! Mais c'était prévisible. Je lui avais dit à Laurence: qu'imagines-tu que ton mari soit en train de faire là-bas ? Tu crois vraiment qu'il n'y est que pour le boulot ? Non, évidemment. Il a dû se laisser séduire par une petite allumeuse de 25 ans, au fessier indécent de fermeté. Voilà, la vérité !

Le mari - (écoutant distraitement tout en touillant la sauce) Oui, évidemment, pauvre Laurence.

La femme - C'est tout ce que ça te fait à toi ?! Pauvre Laurence ? Oui, bien sûr, pauvre Laurence ! Mais quel fumier ce Richard ! Moi, je ne l'ai jamais aimé cet homme-là ! Même après toutes ces années. Et puis des Louboutin, il a offert des Louboutin à sa maîtresse.. quel faute de goût ! Enfin, non, réflexion faite, ce sont des chaussures parfaites pour une femme entretenue. Tu m'offrirais des Louboutin, toi ?

Le mari - Non, bien sûr que non, ma chérie.

La femme - Ah, non ? Tu ne m'en offrirais pas ? Et pourquoi ça, je te prie ?

Le mari - Parce que tu viens de dire que ce sont des chaussures de femmes entretenues, voilà pourquoi.

La femme - (rêveuse) Oui, c'est vrai. Mais quand même, parfois il y en a qui sont belles. Récemment, j'en ai aperçu une paire qui ne faisait pas femme entretenue...enfin, pas trop. Mais elles sont hors de prix. Laurence a lu sur la facture qu'elles coutaient 900 € !

Le mari - ça fait cher la paire de chaussures, en effet.

La femme -Tu sais quoi ? Qu'elle se casse une jambe perchée sur ses hauts talons, cette petite s.... ! Et que sa voiture à lui s’encastre contre un chasse-neige conduit par un Bolchevik saoul !

Le mari - Tu es dure, quand même.

La femme - Je suis dure ?

Le mari -Voyons, oui. Cela fait combien de temps qu'ils sont ensemble, Richard et Laurence ? 25 ans ? Une petite incartade, ça ne veut pas dire qu'il ne l'aime plus. Cette histoire n'a sans doute pas d'importance pour lui.

La femme -(éberluée) ...

Le mari - Eh bien, oui, ne fais pas cette tête. Comme si ça n'arrivait jamais ce genre d'histoires. On en entend tous les jours.

La femme -Ce n'est pas parce qu'on en entend tous les jours qu'il faut minimiser la faute !

Le mari - Je ne minimise rien. Je dis juste que ce sont des choses qui arrivent et qui ne nécessitent pas d'en faire tout un plat. Laurence va s'en remettre. Ce n'est pas comme s'il l'avait quittée ! A-t-il l'intention de la quitter ?

La femme - Mais... je ne sais pas, moi !

Le mari - (sûr de lui) Tu vois ! Tu ne sais pas. Il ne la quittera pas, tu verras. Elle lui pardonnera et tout ira bien. D'ailleurs, que lui a-t-il pris d'ouvrir cette facture ? C'est sa faute après tout ! Elle n'avait qu'à laisser cette facture, là où elle était, et elle aurait été tranquille.

La femme - Je ne te suis pas, là. Tu suggères que dans ce genre de circonstances, il vaut mieux faire l'autruche ? Si elle a ouvert cette facture, c'est qu'elle avait des doutes sur sa fidélité ! Et maintenant, elle en a le cœur net !

Le mari - La belle affaire ! A quoi sert-il d'en avoir le cœur net ?  A avoir le cœur brisé ?

La femme - Je suis abasourdie par ton discours !

Le mari - C'est parce que tu ne prends pas le temps d'y réfléchir.

La femme - Mais qu'est-il question de réflexion là-dedans ? Elle découvre que Richard la trompe, elle se sent blessée, trahie, humiliée, comment voudrais-tu qu'elle réagisse ?

Le mari - Justement, comment réagirais-tu, toi ?

La femme - Je te crèverais les yeux !

Le mari - C'est bien ce que je dis, tu ne réfléchis pas. Et puis d'abord, qui te dit que ces chaussures ne sont pas pour Laurence ?

La femme - Eh bien, euh...

Le mari - Peut-être les lui offrira-t-il au retour de son voyage ?

La femme - Tu dis vraiment n'importe quoi ! Et puis d'abord...

Elle s’interrompt, le téléphone sonne, c'est Laurence. On entend des exclamations.

La femme - (surexcitée) Chéri, tu ne devineras jamais ! Richard vient de rentrer et il a offert les Louboutin à Laurence !

Le mari (souriant) - Tu vois ? Que t'avais-je dit ? Tout ça n'était pas bien méchant, au final.

La femme - (soulagée) Oui, en effet, tu avais raison. Comme on s'emballe parfois ! J'ai hâte de les voir ces chaussures ! Allez, je monte prendre une douche pendant que tu termines la sauce.

Le mari - (pensif) Vas-y ma chérie. Puis, pour lui-même - Bon, apparemment, Richard vient de se faire plaquer une nouvelle fois puisque son cadeau pour Irina lui est resté sur les bras. L'exotisme ne lui réussit pas, décidément.

 

Moralité: Il est important de toujours choisir ses maîtresses en fonction de la pointure de son épouse.

 

 

louboutin-pigalle1.jpg

 

 

10:05 Publié dans Nouvelle | Lien permanent | Commentaires (3)

04/10/2014

Le journal d'Aurore

Comment ça, ce n'est pas de la littérature pour les adultes ?! Et qu'est-ce qu'on s'en fiche d'abord ?

Le journal d'Aurore, de Marie Desplechin, (dévoré par ma pré-ado, puis par moi) ce sont 3 ans de la vie d'une adolescente entre 15 et 18 ans, qui en fait voir de toutes les couleurs à ses parents. Voilà, rien qu'avec cette phrase, j'adopte un point de vue de parent. Parce qu'ils dégustent les géniteurs d'Aurore. Jamais contente, injuste, ingrate, paresseuse, mauvaise élève...En tant que parent, on ne peut que les plaindre, la vie ne doit pas être facile tous les jours chez eux.

Mais c'est qu'elle a de bonnes raisons, Aurore. Depuis quand l'adolescence serait une période facile ? Ses parents ne comprennent rien, sa jeune sœur Sophie est parfaite, sa sœur aînée Jessica se fait percer la langue. Pas simple de se situer dans cette terrible fratrie. Et puis, il y a les copines. Lola, sa meilleure amie, celle à qui elle confie tout, mais qui s’intéresse un peu trop aux garçons à son goût. Samira, la bonne élève, la donneuse de leçons, qui a 5 frères "sublimes". Et les grands-parents, dont une grand-mère bouddhiste qui vole régulièrement à son secours.

Avec tout ça, Aurore a BESOIN d'écrire. A qui pourrait-elle déverser toutes ses plaintes ? Elle écrit donc tous les jours sur son journal, et c'est drôle. Très drôle. Rien ne va, jamais, elle ressemble à un monstre, le climat se dérègle, elle n'arrive pas à tomber amoureuse... Mais ce n'est pas seulement drôle. C'est profond aussi. Les questionnements de cette jeune fille de 15 ans dans les années 2000, sont essentiels. Et il y a de jolis moments d'émotion. Parce qu'au fond, et bien qu'elle se refuse à se l'avouer, elle les aime ses parents, ses grands-parents et ses sœurs aussi. C'est pas facile de grandir.

"5 octobre ; Si quelqu'un n'avait pas remarqué le cadenas qu'il vient d'ouvrir en traître, je rappelle que ceci est mon journal intimement intime. Et que je maudis par avance toute personne qui y jettera les yeux. Qu'elle soit maudite jusqu'à la fin de sa vie, qu'elle ait des allergies, des pellicules et des appareils dentaires à élastiques. 7 octobre. Bon sang, j'ai une quantité industrielle de trucs à raconter.Mes journées sont bourrées d'événements. Quelquefois, j'ai l'impression qu'elles vont exploser. En plus, je ne sais jamais si je suis hyper excitée ou hyper malheureuse. Ma vie est un Himalaya d'hyper hésitations."

L'espace des quelques 500 pages du journal d'Aurore, je me suis retrouvée dans la peau de l'adolescente que je fus, peut-être un peu moins peste, mais tout aussi désemparée. J'y ai reconnu ma fille aussi, pas encore aussi peste, mais un peu perdue.

Tout cela me fait penser qu'à l'âge d'Aurore, je tenais aussi mon journal intime qui s'appelait Sophie. "Chère Sophie", j'ai dû t'en raconter des histoires... Le moment est peut-être venu de jeter un coup d’œil à tes pages noircies d'une écriture incertaine. Ou pas. Une presque ado fille à la maison, c'est bien suffisant !

Le-Journal-d-Aurore-de-Marie-Desplechin-L-Ecole-des-loisirs-de-13-ans_reference.jpg

 

 

 

 

 

08:57 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (1)