Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

10/05/2014

Chronique BD France Bleue RCFM sur "Bidouille et Violette" de Bernard Hislaire


12:19 Publié dans BD, Radio | Lien permanent | Commentaires (0)

04/05/2014

Julia, Pierre, et le flétan

Julia était étudiante en licence de lettres à l'université d'Aix en Provence. Depuis 2 ans, elle sortait avec un type improbable nommé Franck. Rencontré dans la petite ville corse d'où elle était originaire, Julia était sortie avec Franck un peu par désœuvrement. Dans une boîte de la région, elle avait rendez-vous avec un bellâtre qui n'était jamais venu, Franck était là, lui faisait une cour assidue depuis des mois, elle cessa de lui résister.

Au début, elle avait bien essayé de le quitter, mais Franck excellait dans l'art des fausses tentatives de suicide. Quand Julia lui faisait part de son intention de rompre, il tournait de l’œil, était pris de convulsions et, en transes, lui annonçait qu'il allait mettre fin à ses jours. "JE VAIS ME TUER, TU M'ENTENDS ?! JE VAIS ME TUER !!!! " hurlait-il en brandissant un couteau à lame émoussée ou un tube de Doliprane. La jeune Julia, très impressionnée, renonça à se séparer de lui.

Franck avait arrêté l'école en 4ème, ce qui n'est pas un problème en soi, mais dans le cas de Franck, c’en était un, puisque rien ne l'intéressait. Il lui était donc impossible de se mettre en quête d'un apprentissage qui lui aurait permis d'envisager un potentiel avenir professionnel. La seule source d'intérêt de Franck se trouvait dans les vidéos de Marc Dorcel qu'il consommait frénétiquement. Dans ce domaine, Franck était une référence. Une bible vivante. Il pouvait donner les mensurations de la plus obscure actrice et aucun titre ne lui était inconnu.

Franck était laid. Affublé d'un long nez surmontant une bouche de flétan, il en avait également le charisme. Fan d'heavy metal, Franck portait les cheveux longs. Il avait, pour couronner le tout, un goût prononcé pour les habits excentriques, mariant sans vergogne des bottes en python blanc à des pantalons à fleurs.

Franck adorait le poisson, Julia était allergique à l'iode.

Franck était paresseux. Julia l'était aussi, mais pas suffisamment pour négliger complètement ses études. Son orgueil n'aurait pas toléré un redoublement.

Bien que Julia ne fut pas une beauté fatale, ni étudiante à Polytechnique, on avait rarement vu couple plus mal assorti.

Julia et Franck vivaient dans un petit studio proche du centre ville d'Aix en Provence. Lorsque Julia partait à la fac, Franck restait au lit. Bon cuisinier, il préparait des petits plats à sa dulcinée. Il en était fou. Lorsque Julia repartait l'après-midi, Franck se mettait au lit pour regarder ses vidéos à haute teneur éducative, résurgence de sa cinéphilie sélective.

Avant que Franck ne rejoigne Julia à Aix, il lui écrivait des lettres d'amour enflammées truffées de fautes d'orthographe. Monomaniaque, Julia était obligée d'utiliser un correcteur avant de pouvoir lire la prose dégoulinante de mièvrerie et de lieux communs de son petit ami. Elle avait néanmoins pour Franck une certaine tendresse. Il était tellement gentil, tellement attentionné !

Qu'est-ce que Julia faisait avec Franck ? Elle attendait de tomber amoureuse.

Ce ne fut pas long. Dans la classe de Julia, il y avait Pierre. Pierre avait un filet de voix, mais lorsqu'en cours, il prenait la parole, nul n'aurait osé l'interrompre.

Pierre était instruit, Pierre avait lu, Pierre lisait, Pierre savait écrire, Pierre trouvait Julia jolie. Piquante. Étudiant brillant, il manifestait pour la petite corse un intérêt qui ne la laissait pas indifférente.

Pierre et Julia devinrent amis. A la fac, il était impossible de les croiser séparément. Pierre et Julia tombèrent amoureux. Éperdument. Mais Julia avait des principes. A la maison, il y avait Franck. Franck, ce pauvre Franck qui ne méritait pas ça.

Alors Julia lutta, lutta tout au long de l'année pour ne pas se laisser aller à Pierre. Pourtant, elle ne pensait qu'à lui. Lorsque Franck lui parlait, elle le trouvait encore plus stupide, plus laid qu'à l'accoutumée, et n'éprouvait plus pour lui que de la pitié.

Un jour où Franck était venu chercher Julia à la fac, celle-ci lui montra Pierre en lui expliquant qu'elle était courtisée par ce dernier. Ce à quoi, Franck, très sûr de lui, répondit: "Oh, avec la tête qu'il a, çui-là, j'ai rien à craindre !" Julia sourit.

La fin de l'année scolaire approchait. Le temps du retour en Corse aussi. A l'issue d'un partiel où Pierre avait aidé Julia, elle l'avait embrassé furieusement.

Pendant les 15 jours qui suivirent, ils ne se quittèrent plus.

Prétextant d'autres examens, Julia abandonnait Franck pour rejoindre Pierre. Pierre. Tout au long de la journée, ils s'embrassaient et se promettaient des choses insensées. Ils s'aimaient comme on s'aime à 20 ans. Comme on aime pour la première fois.

Pierre écrivait à Julia des lettres d'une beauté absolue. Elle les apprenait par cœur puis les déchirait en pleurant. Il ne fallait pas que Franck puisse les trouver.

Pierre et Julia se dirent adieu au coin d'une rue. Après s'être une nouvelle fois promis un amour éternel.

Julia ne revit jamais Pierre.

Quant à Franck, après une énième fausse tentative de suicide, Julia parvint à le quitter.

Il se coupa les cheveux et devint acteur de films X.

flétan.jpg

 

18:26 Publié dans Nouvelle | Lien permanent | Commentaires (0)

02/05/2014

Un grand-père

Pépé Paglieta (prononcez Paillet'a), surnommé ainsi parce qu'il ne quittait jamais son chapeau de paille, n’ôtait jamais non plus son costume clair bien qu''il résidât au village.

Pépé Paglieta s'était marié très jeune, contre sa volonté, et contre celle de sa promise,  avec Annonciade, une femme laborieuse et taillée pour l'effort. Jamais ces deux là ne s'aimèrent et avec le temps, en vinrent à se détester. 

 Paul aimait faire la fête. Annonciade, le jardin. Ils se croisaient souvent au petit matin, elle, une bêche à la main, lui, une bouteille sous le bras, vestige de sa nuit loin d'elle.

 Il lui fit 5 enfants, il fallait bien assurer la descendance, et s'y intéressa peu. Il n'était pas fait pour la vie rude du village, travailler la terre lui faisait horreur. Sa pension de guerre lui permit de ne jamais suer au dessus des sillons. Une tuberculose providentielle eut l'heur de se déclarer la veille de sa montée au front. Il y aurait laissé la vie, il y perdit un poumon.

 Alors que rien ne le présageait, il manifesta beaucoup d'intérêt envers ses petits enfants, principalement quand ceux-ci devinrent adolescents. Ce qu'il aimait par dessus tout, c'était leur prodiguer des conseils de séduction. Il leur expliquait comment plaire aux femmes, leur conseillait d'ôter jeans et t-shirts au profit d'un beau costume qu'un vieux tailleur d'Ajaccio pourrait leur confectionner.

 Il les mettait en garde contre l’homosexualité, un fléau qui, selon lui, touchait la jeune génération. De son temps à lui, ces choses-là ne se faisaient pas. Il en parlait souvent et n'hésitait pas à se montrer cru afin de choquer les jeunes esprits des adolescents qui l'écoutaient amusés. Lui qui aimait tellement les femmes, ne pouvait comprendre qu'un homme puisse être attiré par un autre.

 L'été avec ses amis, il écumait les bals de village ! Excellent danseur, il avait un succès fou. Les femmes faisaient la queue pour avoir l'honneur d'une danse avec Paul.

 Il les entrainait dans des valses qui les laissaient étourdies. Au petit matin, il rentrait, ivre d'alcool et de bonheur. Il croisait alors Annonciade, la mine maussade qui s'en allait biner les tomates.

Après la belle saison, l'ennui le gagnait. Fort heureusement, il s’était pris de passion pour les cures thermales. Il s'y rendait chaque année, grâce au poumon qui lui restait et qui n'était guère vaillant. Ces cures annuelles, lui donnaient l'occasion de quitter son village, où l'hiver, il ne se passait rien, et de faire de savoureuses rencontres.

 A Saint-Honoré-les-Bains, il devint rapidement l'ami du maire d'un petit village du sud de la France, venu prendre les eaux avec sa femme, et n'eut pas grand effort à faire pour devenir l'amant de cette dernière, la délicieuse Berthe. Comment aurait-elle pu résister aux roucoulades de Pépé Paglieta, susurrant des "Berrrrrthe" enflammés dans le creux de son oreille ?

 Quand le couple achevait sa cure, Pépé Paglieta la poursuivait car Marthe le rejoignait alors. Cette veuve bretonne, blonde dans sa jeunesse, grande et fessue à souhait, le comblait au delà de toute espérance. Comme elle était loin, la brune et besogneuse Annonciade ! Comme il serait toujours temps de la retrouver !

 Au retour pépé Paglieta était épuisé et se montrait fort peu enjoué. Les joies de Saint-Honoré-les-Bains n'étaient plus qu'un souvenir qui le faisait sourire dans l'obscurité de sa chambre, et puis il vieillissait. Alors qu'Annonciade continuait de cultiver son jardin, sarclant ses pieds de tomates avec ardeur, Pépé Paglieta rongeait son frein dans un lit d'où il sortait de moins en moins.

 L'année suivante, très affaibli, il ne put aller en cure. Sa maladie pulmonaire avait gagné du terrain. Il prit soin de prévenir ses chères Berthe et Marthe de son absence. " Berrrrrthe (Marrrrrthe) je ne pourrrrai pas venirrrrr cette année " leur annonça-t-il avec tristesse.

 L'agonie de pépé Paglieta ne fut pas longue. Annonciade, toujours consciente de son devoir, le soigna jusqu'à la fin.

 Le jour de son enterrement, la maison était pleine de monde. Les gens venaient se recueillir une dernière fois devant la dépouille de pépé Paglieta (toujours vêtu d'un costume mais noir cette fois-ci) et présenter leurs condoléances à la famille.

 Comme les personnes parlaient du défunt autour d'un café, Annonciade, en grand deuil, s'approcha de la fenêtre où quelque-chose avait attiré son attention et s'exclama:

 " Mi, chi ci hè un ghjattu rossu in i pumati ! (Oh, il y a un chat roux dans les tomates !)

 

1-Top-011.jpg